G-Cubes : aventure, art et protection des océans


Les enfants de Fakarava ont créé leurs propres G-Cubes
PAPEETE, le 30 avril 2018 - G-Cubes est le projet un peu fou d'un peintre suisse. Il a entrepris un long voyage à la voile pour collecter des déchets sur les plages du monde entier. Il les rassemble avec les écoliers, puis il les transforme en petits cubes solides avec de la résine. Le but final est de créer un gigantesque cube de déchets avec 1000 d'entre eux, une œuvre imposante pour ouvrir les yeux de la planète sur l'urgence de protéger nos océans.

Le résultat du travail des enfants, gardé par le chien du village de Fakarava
Nous avons rencontré Harald Reichenbach sur son voilier, le O'Deline, alors qu'il était en escale à la marina de Papeete. Ce peintre suisse devenu navigateur a entrepris un tour du monde en septembre dernier pour réaliser son projet G-Cubes. Il a reçu l'aide de ses amis et des volontaires rencontrés en chemin, en tout une joyeuse équipe de 20 personnes mobilisés pour faire aboutir cet ambitieux projet.

G-Cubes signifie "Garbage Cubes", ou "cubes de déchet" en français. Et c'est le cœur de ce concept : rassembler les déchets rejetés par la mer sur les plages du monde entier et les transformer en une grande œuvre d'art, qui servira d'appel poignant à la protection de nos océans et à la lutte contre la pollution.

Il en profite pour sensibiliser la nouvelle génération partout où il va. Harald et son équipage vont ainsi ramasser les déchets sur les plages avec les écoliers des pays qu'il visite. Ils les trient ensemble puis les transforment en petits cubes à l'aide de presses qu'il transporte partout avec lui et les coule dans la résine pour solidifier l’œuvre. Les enfants peuvent donc conserver leurs créations pour garder ce combat à l'esprit, et l'équipage peut vendre quelques créations.

Un cube de 1000 G-Cubes

Trois volontaires de l'équipage du O'Deline à Takaroa
Mais le projet est plus vaste. L'équipage presse aussi des déchets destinés à la création de 1000 G-Cubes, mais ne les moules pas immédiatement. Il les envoie en Suisse où ils pourront soigneusement les "cubifier" à la résine après leur voyage, à la fin de l'année prochaine, créant 1000 G-Cubes de 10x10x10 centimètres. Toutes ces œuvres seront rassemblées en un seul gigantesque cube qui fera un mètre cube au total.

L'artiste nous explique espérer "en faire une exposition à Marseille, au Mucem (NDLR : Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée), puisque je suis parti de là. Le concept de l'exposition est aussi de démontrer la relation entre le volume et la surface. Puisqu'un cube possède six faces, je fais six photos de chaque plage où j'ai collecté des déchets. Toutes ces photos seront accrochées aux parois face au cube, et ça va faire une immense surface entourant cette relativement petite œuvre centrale. Ça démontrera combien de déchets il y a vraiment dans les 1000 cubes."

Les résultats d'une collecte avec les enfants de Las Palmas, aux îles Canaries
Harald Reichenbach nous explique que toute l'exposition sera conçue pour être itinérante. Il espère qu'elle refera ensuite le tour du monde en repassant aux endroits des collectes pour continuer ce travail de sensibilisation. En attendant, le voilier et son équipage va reprendre son long voyage. Le O'Deline va bientôt repartir pour Bora Bora afin de participer à la Tahiti Pearl Regatta et sensibiliser les plaisanciers à sa cause. Puis l'équipage quittera nos eaux pour se diriger vers les Fidji, l'Australie, Lombok, Singapour… Nous leur souhaitons un voyage tranquille et de nombreuses autres belles rencontres !

>>> Pour suivre le projet G-Cubes (en anglais :
- www.g-cubes.com
- La page Facebook


Harald Reichenbach, artiste, navigateur et initiateur du projet G-Cubes

"Le voilier, c'est la base du projet G-Cubes. C'est le meilleur moyen pour montrer que les déchets des villes atterrissent partout sur la planète"

Comment a débuté le projet ?

"J'ai commencé à y réfléchir en 2014, quand j'ai fait un troc pour échanger une de mes peintures contre un voyage entre Gibraltar et les Caraïbe en voilier. C'est là que j'ai réalisé qu'il y a vraiment un problème dans les océans, notamment avec les déchets. J'en ai vu partout pendant la croisière, même dans des endroits complètement vierges d'autres activités humaines. C'est là que j'ai eu cette idée d'une œuvre qui démontrerait le problème global du sujet."

Tu es un artiste de Suisse, comment as-tu fini navigateur ?
"Oui, à la base je suis peintre-artiste. Je n'ai commencé à naviguer qu'en 2014 avec ce troc. Mais le voilier, c'est la base du projet G-Cubes donc j'en ai acheté un et j'ai appris à naviguer avec, avec l'aide de beaucoup de copains ! Parce que c'est le meilleur moyen pour montrer que les déchets des villes atterrissent partout sur la planète, surtout aux endroits où il n'y a pas vraiment de production de déchets. Ici aux Tuamotu, on a trouvé des déchets avec des écritures indonésiennes… C'est pour dire qu'ils ont voyagé ! Et pour démontrer ça, il faut avoir un petit bateau à voile qui peut aller partout."

Quel a été votre voyage jusqu'à aujourd'hui ?
"Nous sommes partis le 21 septembre de Marseille, puis nous avons longé la côte espagnole, puis Las Palmas, la traversée de l'Atlantique et les Caraïbes. Ensuite nous sommes passé en Colombie, Panama où un copain mène un projet de développement durable à long terme... Ensuite nous sommes passés aux Galapagos, 18 jours de traversée jusqu'aux Marquises, et enfin un passage aux Tuamotu et maintenant Tahiti. Le voyage va durer deux ans en tout.
Et on voit que même dans un endroit aussi isolé que les Tuamotu, il y a des déchets. C'est d'ailleurs la première fois que je ne trouve pas de bouteilles entières, ou très peu. Par contre on a trouvé beaucoup de micro-plastiques, et c'est sans doute le pire. On le trouve mélangé dans le sable, quand vous commencez à regarder, ils sautent aux yeux. Ce plastique est dans sa phase de décomposition totale... Par exemple, quand vous trouvez un bouchon et que vous le touchez, il tombe en miettes… Ça, ça reste dans la mer et ça ne disparaît pas. Les animaux le mangent, ça les tue, les poissons se décomposent mais le plastique reste pour tuer encore… Pire, plus le plastique devient petit, plus sa surface augmente et il va agglutiner tout un tas de saletés comme des métaux lourds, qui entrent avec lui dans la chaîne alimentaire."


Dominik Perretn, skipper volontaire

"Sur la côte exposée au vent des atolls il y a beaucoup de déchets"

"J'ai volé jusqu'à Nuku Hiva pour rejoindre le O'Deline, et je resterai sur le bateau jusqu'à Bora Bora, donc je vais juste rester pour la traversée de la Polynésie. J'ai déjà navigué sur ce bateau pendant le World Arc vers l'Australie en 2014-2015, c'est une course de voiliers autour du monde. Mais il m'a manqué le Pacifique, c'est l'occasion ! Je connais Harrarld depuis longtemps, donc quand il m'a invité à participer au projet, j'ai tout de suite accepté de le rejoindre dans ces eaux que je n'avais jamais naviguées. J'ai posé toutes les vacances que j'avais, deux mois, et je suis venu !
Et c'est vrai que le projet G-Cubes est très important. Sur la planète, on ne peut plus trouver une seule plage qui soit totalement sans déchets, même en Polynésie ! Sur la côte exposée au vent des atolls il y a beaucoup de détritus, que l'on ne voit pas côté lagon. Ils viennent de l'océan pour la plupart."

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 30 Avril 2018 à 13:57 | Lu 1170 fois